Les jeunes mentalistes et prestidigitateurs séduisent théâtres et chaînes de télévision.
Parce qu’ils apportent du rêve, les jeunes mentalistes et prestidigitateurs séduisent théâtres et chaînes de télévision.
Enzo au Casino de Paris, Giorgio au Gymnase, Alain Choquette à la Gaîté Montparnasse, The Fantastix à Bobino, Viktor Vincent en tournée avec « Emprise », sans oublier Messmer, Dani Lary, Kamel ou Eric Antoine. Il n’y a jamais eu autant de magiciens, mentalistes et autres illusionnistes à l’affiche en France. « Il y a une explosion de jeunes illusionnistes, mais la magie a toujours été à al mode. Et il y en a toujours eu à la télévision. La France est le pays de la magie, le plus grand magicien de tous les temps est d’ailleurs un Français, Robert-Houdin », rappelle Gilles Arthur qui a créé Les Mandrakes d’or en 1990, le Festival International de l’illusion et de la prestidigitation.
« La morosité ambiante fait que les gens ont envie de rêver. La magie, ce n’est pas que pour les enfants », fait remarquer Stéphane Cabannes, secrétaire adjoint de la Fédération française des artistes prestidigitateurs (FFAP). Même son de cloche chez Gilles Arthur : « C’est dans le subconscient que ça se passe. Les gens déconnectent de leur quotidien souvent pesant, ils voient une réalité fausse, mais quelque part cela leur fait du bien. » Jean-Marc Dumontet, directeur de Bobino où Messmer a joué à guichets fermés pendant deux mois, est du même avis : »Le public recherche des spectacles fédérateurs et grand public et la magie touche tout le monde. »
La présence d’un magicien dans un théâtre ou une émission de divertissement serait-elle la garantie du succès ? « Assurément. Depuis toujours, la soirée des Mandrakes d’or remplit les salles sans publicité », affirme Gilles Arthur. En 2000, la retransmission sur TF1 avait connu un record d’audience d’Europe en magie. Quelque 7,8 millions de fans de surnaturel avaient suivi la cérémonie.
Actuellement en mal de spectateurs et d’audimat, les directeurs et programmateurs des salles et des chaînes de télévision cherchent à faire revenir le public. « Les producteurs « industriels » viennent voir ce qui se passe dans notre niche. La magie et les arts visuels drainent beaucoup de monde », poursuit Gilles Arthur.
UN ART PAS ASSEZ RECONNU
Certains, comme Patrick Sébastien, qui invitent régulièrement des illusionnistes dans son « Plus grand cabaret du monde » sur France 2 l’ont compris depuis longtemps. Souvent, ses audiences le placent devant TF1. Dans les années 1990, « Attention magie » faisait les belles heures de France 3, Michel Drucker ayant lui-même repéré Sylvain Mirouf. Plus récemment, il a reçu Eric Antoine. Il y a deux ans, Enzo (lire ci-dessous) s’est illustré dans « La France a un incroyable talent » sur M6. D’autres animateurs comme Arthur et Nagui commencent à entrer dans la brèche ouverte par Gilles Arthur. « Je rêve de créer un Eurovision de la magie », confie-t-il.
« Il existe de nombreuses associations et des amicales de magie dans les régions, qui font la promotion du genre », précise Stéphane Cabannes qui a donné ses lettres de noblesse à la magie depuis des lustres. La 49è édition du Championnat de France organisée par la FFAP qui vient de se dérouler à Besançon (Doubs) a récompensé Nathalie Romier, une femme. Une première.
L’art de l’illusion est de plus en plus reconnu, mais pas par les instances supérieures. Ce que regrette Stéphane Cabannes : « Nous avons du mal à nous faire reconnaître par le ministère de la Culture comme un art indépendant. La magie est classée avec les arts du cirque, mais cela n’a rien à voir. Nous avons été reçus par une délégation après avoir beaucoup insisté, mais en gros, on nous a expliqué que ce n’était pas la priorité. »
Afin de valoriser cet art, la FFAP souhaitait créer un volet d’éducation pédagogique d’initiation aux arts magiques pour l’Education nationale. Cabannes explique : « Pour les élèves intéressés, il aurait débouché sur un diplôme. Il ne s’agissait pas seulement d’apprendre des tours, c’est un peu simpliste et réducteur, mais d’apprendre toutes les subtilités de l’exercice. Dans la magie, il y a 5% de technique et 95% de présentation. » Une volonté restée lettre morte.
ENZO EST APPARU
« Pour des raisons de sécurité liées à un champ électrique important, nous demandons aux femmes enceintes, aux personnes portant un appareil auditif, une pompe à insuline ou tout appareillage médical… de se faire connaître auprès des équipes du Casino de Paris. » L’avertissement qui s’affiche en grosses lettres sur un écran géant, en préambule du spectacle d’Enzo Weyne, « au-delà des illusions », est inquiétant.
A 25 ans, ce nouveau maître de l’illusion promet de nous faire voir la « magie autrement » et de traverser en notre compagnie la « frontière ultime ». Il tiendra sa promesse. Passionné de magie depuis l’âge de 7 ans, Enzo est décidé à intriguer, amuser, et faire rêver. « Des questions ? », interroge-t-il malicieux après s’être volatilisé et retrouvé à l’autre bout du plateau en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire.
Après avoir étudié la menuiserie, la soudure et même la gestion, le jeune homme s’inspire de son quotidien pour revisiter des tours connus et surtout en inventer de nouveau, souvent spectaculaires. Un mauvais jour, il est resté enfermé trois heures dans un ascenseur, assez longtemps pour réfléchir à la façon de sortir d’un coffre chargé d’explosifs.
Inspiré notamment par Houdini, il pratique donc l’escapologie, l’art de l’évasion, mais également celui de l’apparition, de la disparition et de l’escamotage. Musique (un peu trop présente d’ailleurs), suspense, caméra portative sur scène, mise en scène volontiers dramatique avec le concours de six assistants zélés, il rappelle les belles heures de David Copperfield.
RETOUR VERS LE PASSÉ
Au fil d’une heure dix, Enzo fascine, fait douter, éblouit et agace – « quel est le truc ? ». Au choix, il découpe une femme en deux, mais à la différence de ses confrères, à la verticale. Fait apparaître un hélicoptère et échappe à une explosion. Clou du spectacle, il retourne dans le passé grâce à un mystérieux dispositif d’ondes et de champ magnétique qui lui a demandé deux ans de travail avec des chercheurs. Les téléspectateurs de M6 se souviennent de l’illusionniste à la finale de l’émission « La France a un incroyable talent » en 2013.
Enfant, fasciné par la boîte de magie qu’il a reçue en cadeau, Enzo transforme sa chambre en laboratoire et installe un atelier dans la maison. Il prend sa voisine, Marine, devenue depuis son assistante, comme cobaye. Et effraie ses parents en allumant et éteignant, à distance, une lumière enfermée dans une machine à téléporter qu’il a fabriquée. Il écrit aussi son journal dans lequel il dessine ses futurs numéros et se promet de devenir un grand magicien. On peut dire qu’il a réussi.
Casino de Paris (Paris IXe), jusqu’au 1er novembre.
Nathalie Simon
Enzo L’insaisissable au Casino de Paris du 22 octobre au 1er novembre